La curieuse fresque
de la chapelle Saint-Bernard-et-Saint Sébastien.

La
fresque réalisée par Andrea de Cella présente des
diables accompagnant un ecclésiastique et une femme nue marchant
à quatre pattes vers la gueule d’un Léviathan. Un
premier joue d’une trompette
médiévale (ou busine), un deuxième peint en beige,
pousse une femme dénudée, un
troisième, peint en bleu moucheté de blanc, chevauche
ladite femme en
s’accrochant à sa chevelure blonde, un quatrième,
peint en vert, joue du
galoubet et du tambourin, un cinquième, peint en noir, retire le
nimbe d’un ecclésiastique
agenouillé.
Monsieur Gérard Colletta dans un article
publié dans la revue L’Entrelus, en
1977, a établi le lien entre cette représentation allégorique et une affaire de
justice survenue dans la vallée de la Tinée en 1427. Il cite dans son article
un extrait des archives Départementales des Alpes-Maritimes (Fonds de Turin,
Comptes de la châtellenie de Puget-Théniers, volume IX) :
« Item ponit dictus clavarius habuisse a Delphina, uxore Johanis Bovis de
Rora librarum quindecem coro nnatorum in quibus extitit in dicto parlamento per
dictum dominum judicem condamnanta eo quia adulterium omisit cum domino Petro
Blanqui presbitero priore dicti loci de Rora. »
Ce texte en latin est traduit par
monsieur Colletta de la façon suivante :
« De même, le clavaire a reçu de
Delphine, femme de Jean Bovis de Roure, la somme de quinze livres couronnées
qu’elle devait après avoir été condamnée par le seigneur juge, en sa cour, pour
avoir commis l’adultère avec le seigneur Pierre Blanqui curé et prieur de
Roure. »
La fresque de la chapelle Saint-Bernard
stigmatiserait l’adultère entre Delphine, l’épouse de Jean Bovis, et le curé de
Roure nommé Pierre Blanqui. Andréa de Cella aurait donc représenté Delphine à
quatre pattes chevauchée par un diable et le curé Blanqui se faisant ôter l’auréole
des élus par un autre serviteur de Satan. C’est cette hypothèse qui a été
exploitée de façon romanesque.
La communauté de Roure a semble-t-il été
profondément traumatisée pour commander, en supplément des images protectrices,
une représentation moralisatrice de la scandaleuse liaison 83 années après
l’évènement. Plusieurs questions se posent : les petits enfants des
paroissiens contemporains de l’affaire ont-ils décidé seuls de faire réaliser
ce travail de mémoire ? L’évêque est-il intervenu, en une époque où la vie luxueuse des papes
était dénoncée, afin de prévenir les curés de déviances inacceptables ?
Le maître : Andrea de Cella de Finale est un peintre
originaire de Finale Ligure qui s’était établi à Roquebrune. On lui attribue un
ensemble d’œuvres dans le comté de Nice. Il a réalisé les fresques de la chapelle
Saint-Bernard-et-Saint-Sébastien à Roure en 1510, celles de la chapelle
Saint-Michel à Clans en 1515, celles de la chapelle Saint-Sébastien à Entraunes
en 1516 et celles de la chapelle Notre-Dame-du-Bosc à La Roquette-sur-Var en
1526. D’autres
ouvrages dans le département des Alpes-Maritimes lui sont attribués.
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