COSMOS
Un ouvrage
fleuve, un capharnaüm assumé comme tel pour tenter d'embrasser le monde, la
nature, le cosmos. Un ouvrage fleuve qui renvoie l'homme à sa ridicule
dimension, à sa nature animale, à ses incertitudes, à sa pulsion de vie, à ses
forces dyonisaques, à son angoisse existentielle.
Le matérialisme est au cœur de la pensée d'Onfray :
un matérialisme par la
connaissance expérimentale de notre environnement et de
nous-même, des
sens qui sont mis à l'égal de la raison. Sens et raison,
pulsions reptiliennes,
déterminisme, choix illusoires, filiation animale de l'homme du
XXIe siècle
balloté entre les philosophies déclinantes et un
questionnement angoissé.
Onfray sabre le Marxisme, le Freudisme, le Christianisme. Il sabre
également
les philosophes des villes en donnant préférence aux
philosophes des champs
plus près de la nature, plus sensuels, plus hédonistes.
Il sabre les rats de
bibliothèques, ceux qui cherchent la vérité dans
les livres, qui passent leur
vie à lire et à écrire au détriment de
l'expérience directe. Il magnifie le
Gitan, les campements nomades, le génie de l'oralité. Il
oppose culture et
nature en rappelant que le mot culture est issu d'agriculture et que la
première culture est celle de la connaissance de la nature. Il
brise la flèche
linéaire du temps chère au physicien (que ne l'ai-je
utilisée des milliers de
fois dans mes cours de mécanique?) pour renouer avec un temps
cyclique,
biologique, perçu en vivant immergé dans la nature. Image
à laquelle je préfère
celle de la spirale qui a l'avantage de concilier le linéaire
(discrétisé) et
le cyclique. Il pourfend Marx "qui haïssait les travailleurs de la
terre" et Freud, ce charlatan. Il vante la musique binaire
répétitive et
minimaliste qui offre une issue hédoniste à l'histoire de
la musique, permet
aux humains de renouer avec les sens premiers du chamanisme. Il nie
l'existence
de Jésus : un négationnisme sans cesse repris et
développé. Il dénonce le
Christ comme étant une pure construction intellectuelle. Il
appelle à la volonté de puissance de
Nietzche qui proclame la mort de Dieu. Il pourfend la
Chrétienté qui serait, à
son analyse, mère de nombreux maux. Il déconstruit ce
qu'il nomme le mythe
chrétien pour le vieux culte païen de la lumière. Il
examine les relations de
l'homme avec l'animal, les végétariens, les
végétaliens, les véganes, le droit
des animaux, l'horreur des abattoirs, la dénonciation de l'homme
carnivore qu'il
n'approuve pas en tant que bon gastronome. C'est le grand retour
d'Epicure avec
l'amorce d'une philosophie épicurienne déclarée
postchrétienne. Ofray est un hédoniste : un philosophe
qui place le plaisir en règle de vie.
A la page 514, il achève son texte en donnant un abrégé de formules
susceptibles de tendre vers une éthique sans morale.
Que penser d'un philosophe qui vante les vertus premières de nos relations avec
la nature, la vérité par les sens, l'hédonisme, alors qu'il a passé sa vie dans
la lecture et l'écriture, qu'il est passé à côté de tout ce qu'il prône ? Comment résumer ce qui n’est pas résumable ?
Il vous reste à lire Cosmos, pour le meilleur et pour le pire.
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